Le danger de l’illusion d’efficacité dans la pratique ,texte de Philippe Munn

[Hussard de la mort]

texte tres interessant par monsieur Philippe Munn

http://fr.philippemunn.com/?p=1629
Nous savons que l’on définie fréquemment, et le plus souvent à torts d’ailleurs, la pratique des arts martiaux et des exercices de santé en «interne» et «externe». Au-delà des arguments sur la pertinence et les différentes opinions à l’égard de cette classification, en tant qu’adepte et pratiquant nous devons rester vigilants face aux pièges potentiels de l’illusion en regard de la recherche de l’efficacité concrète de notre méthode de pratique personnelle.

Comment évaluer quelque chose d’aussi relatif que la notion d’efficacité? Dans la situation du combat à mains nues, dépendamment de la perspective de pratique, on peut argumenté longtemps sur la notion d’efficacité ou, du moins, sur la façon de l’évaluer le plus objectivement possible. Il en va de même, d’une autre façon, pour les exercices de santé.



combat de karaté-contact

Par exemple, lorsque je pratiquais intensément le karaté contact et le kick-boxing, l’efficacité en combat était déterminée par la notion de «victoire» à la fin d’un combat au dôjô ou lors d’une compétition sportives. Nous croyions tous sincèrement en l’objectivité tranchante de cette démarche où, l’évaluation de l’efficacité lors de l’engagement physique entre les deux adeptes, était très claire. Il y avait un gagnant et un perdant, parfois par K.O, d’autres par abandon ou encore par décision d’un parti extérieur. Nous étions satisfaits dans une certaine mesure de cette expérience et de la méthode d’entraînement s’y rattachant. C’était simple en quelque sorte.

Cependant, en y regardant de plus près et avec du recul, aux moins deux grands facteurs entrent en ligne de compte face à l’extrême relativité et volatilité de cette évaluation simpliste de la notion d’efficacité à l’intérieur de ce type de démarche.



Combat ouvert professionnel moderne

La premier est le cadre même dans lequel se situe l’expérience du combat. On y trouve toujours une forme de restrictions et de règles préétablies à l’intérieur desquelles s’exécute le combat. Il y a également généralement le port d’une forme ou d’une autre d’équipement de protection. Même dans les combats qualifiés «ultimes» d’aujourd’hui, où se mélange différents types de techniques de combat à mains nues, il a toujours une forme de restriction (durée des engagements, type de techniques permises, etc…). Même si l’on argumente sur le fait que certaines formes de combats, professionnels ou non, se rapprochent plus de la réalité d’un engagement total que d’autres, que certaines méthodes soient plus éprouvées, il n’en reste pas moins que, sans s’engager un jour soi-même dans des situations de confrontations humaines réelles de survie, cela restera toujours relatif et abstrait. Sans compter bien sûr les risques évidents de ne jamais pouvoir répéter l’expérience une seconde fois si l’on devait vivre la défaite ultime vers laquelle cela peut mener… Bref, jusqu’où doit-on, ou peut-on aller en tant qu’être intelligent dans notre société, pour évaluer notre efficacité d’adepte de l’art martial? Ce niveau de réflexion et d’argumentation est bien connu, a été soulevé de tout temps, par différents maîtres, adeptes et auteurs et, avec bien plus d’éloquence que je ne pourrai jamais espéré en avoir ici. Il faut simplement noter que l’ombre de ce type de réflexion, à savoir dans quel cadre peut-on évaluer la notion d’efficacité en combat, plane en toile de fond dans la conscience et l’imaginaire de tout adepte sérieux et dans la constitution de toute méthode ou d’école d’arts martiaux.



Maître Guo Guizhi, vitalité et efficacité à 78 ans!

Le second se situe au niveau de la longévité de la pratique, de la recherche d’efficacité tout au long de la vie. Si je reprends l’exemple de mon expérience en karaté contact et kick-boxing, même lorsque je remportais une confrontation, au cours de chacun de ces combats, je recevais des traumatismes, voir des blessures, plus ou moins importants sur mon corps. Une chose devient évidente à un moment ou un autre dans le cheminement d’une personne dans ce contexte: il y aura un prix à payer sur le bon fonctionnement du corps (et de l’esprit…) un jour et cela se traduira inévitablement par une perte d’efficacité, voir même à l’impossibilité de poursuivre la pratique à un moment donné. Les qualités physiques requises pour être performant dans ce type de combat ne peuvent que décliner avec l’âge et, il devient bien difficilement envisageable de si adonner après la quarantaine dans les meilleurs cas. Que fait-on après en tant qu’adepte pour rester objectif dans notre évaluation de notre efficacité? Bien sûr, dans le cadre sportif, l’efficacité à long terme est peu importante. On est «performant» et au top dans la jeunesse et après, si on continu à pratiquer, c’est en tant qu’entraîneur, professeur ou à titre de loisir. Cependant, dans le cadre de la pratique de l’art martial en tant qu’outil et de voie de progression humaine, la pratique et l’efficacité à long terme est un des critères les plus importants dans une méthode d’entraînement.

Cela est un petit préambule, sûrement très simpliste, à la réflexion sur l’efficacité et, tout particulièrement dans les pratiques martiales dites «internes» telles que le taiji quan ou le yi quan/da cheng quan, arts que je pratique avec passion. Car il y a bien souvent une illusion en regard de l’efficacité qui plane en toile de fond dans la méthode de pratique de plusieurs des courants de ces écoles.



match moderne de pousse-mains

Récemment, je visionnais des vidéos d’une compétition moderne de pousse-mains sportif où des adeptes sérieux d’une école de taiji quan, s’entraînant au quotidien dans la subtilité «interne» de leur art, ont tous reçus une très belle raclée de la part de compétiteurs sportifs chevronnés s’entraînants eux plutôt avec des méthodes hybrides et modernes axées vers la performance physique optimale pour ce type d’évènement. Les adeptes de taiji quan ont participés avec courage à cette compétition, avec la conviction que la subtilité de leur entraînement leur permettrait de dominer sans problème la puissance brute de leurs adversaires sportifs. Dans ce cas précis, l’illusion n’a pas durée bien longtemps…  J’ai visionné également récemment une autre vidéo où des adeptes chinois de da cheng quan ont subis le même type de traitement sans équivoque, mais bien plus brutal, dans une série de matches face à des kick-boxeurs thaïlandais. Encore une fois l’expérience à fait tombé plusieurs écailles sur les yeux de ces adeptes d’une autre boxe dite «interne». On peut expliquer et justifier ces situations de plusieurs façons dépendamment de la perspective où l’on se place bien sûr. Mais, trop souvent, pour éviter la réflexion vers une remise en question sur l’efficacité, les adeptes de l’«interne» qualifient d’emblée ces évènements sportifs comme étant des jeux n’ayant rien à voir avec la situation «réelle» du combat de survie pour la vie. Sans doute, mais tout de même…

Peu importe l’argumentation et les critiques face au combat dans les pratiques qualifées d’«externes» ou voir sportives,  il n’en reste pas moins que les pratiquants de ce type de d’activité vivent régulièrement l’expérience concrète, physique et mentale, de la confrontation et, qu’ils cherchent des solutions pour y performer avec efficacité. C’est peut-être artificiel et limité, mais est-ce pire pour un adepte sérieux, que de vivre dans l’illusion prétentieuse d’un monde théorique et intellectuel en regard des techniques d’un art dit martial?

Le problème se situe donc surtout au niveau des croyances et dans le discours explicite, et l’attitude souvent complaisante, proposé dans nombre de ces écoles «internes» comme quoi, l’efficacité en combat y est bien supérieure aux autres méthodes. Elles ont malheureusement trop souvent un complexe de supériorité bien nourri par le prestige du maître actuel et/ou des maîtres légendaires d’autrefois, combattants hors paires, dont ils sont les héritiers pures et légitimes.  Comme si l’efficacité et la grandeur dans ces écoles était une forme de transmission «génétique», presque automatique. Avec un tel discours, on part donc parfois de loin en regard de l’évaluation objective de l’efficacité et en particulier dans certains courants dits «internes».



Maître Wang Xiangzhai, réformateur des arts martiaux chinois du XXième siècle

De tout temps, tous les maîtres de méthodes d’arts martiaux ont cherchés, et cherchent toujours, une solution à la problématique de l’entraînement et de l’évaluation objective de l’efficacité en combat.

Plusieurs pistes forts intéressantes ont été trouvées et, notamment du côté justement des courants dits de pratique «interne». C’est une des raisons pour laquelle nombre d’adeptes expérimentés se tournent vers ces méthodes afin d’y poursuivre leur progression dans le temps. Mais pour cela, il faut garder une objectivité associée à une grande ouverture d’esprit et surtout, ne pas tomber dans le piège de la complaisance intellectuelle.

C’est justement la démarche proposée par des maîtres comme Wang Xiangzhai dans sa méthode du da cheng quan ou yi quan. Est-ce que pratiquer la méthode de cette école est une assurance de succès dans la pratique? Non, bien sûr! En regardant la situation actuelle de cette école, dont le Maître est décédé il n’y a même pas cinquante ans et où encore certains adeptes ayant reçu directement son enseignement vivent encore aujourd’hui, on constate que l’efficacité légendaire associée au fondateur de cet art est malheureusement loin de se traduire dans la capacité concrète de certains des adeptes d’aujourd’hui.

L’important est donc de créer pour soi des situations intelligentes où l’on peut évoluer par l’entremise essentielle d’un mode concret de comparaison et d’échange le plus objectif possible avec l’autre. L’élément primordial étant bien sûr de s’assurer d’une bonne santé tout au long de notre vie à travers une méthode cohérente et intégrée de renforcement à long terme. C’est à travers cela que nous tentons de garder en tant qu’adepte certains chiens de garde face à une certaine forme d’illusion dans notre pratique quotidienne quelque soit l’art ou la méthode pratiquée.

[papounet]

Pour les sports de combats : boxe anglaise, française, thaïlandaise, américaine, chinoise, ...
Comme le nom l'indique c'est un sport !!!
C'est clair, c'est net !!!
Le problème c'est la tête qui gonfle quand on commence à gagner des compétitions... et que l'ont commence à parler de supériorité de façon élargie 

Pour les arts martiaux c'est plus ambigüe, on prétend que ça sert à être efficace dans le cadre d'une agression...
A ce jours je n'ai pas vu d'art martial qui fait des mise en situation d'agression... ou alors de façon épisodique !!!
Cella se limite à : je t'attaque avec une technique codifié et tu fais ton enchaînement 
Sans parler des kata qui sont à 2000 lune d'une application réelle 

Il nous reste la self défense 
A noter que beaucoup de prof d'art martiaux mon répondu : "on fait pas de self défense, on est un art martial nous"
Vous comprendrez l'hypocrisie... d'un côté il dit mon art martial est efficace et de l'autre il ne sert pas à se défendre dans une situation réelle 

Pour ma part voila la combinaison idéale :
-> MMA (condition physique et travail de toute les phases d'un combat)
-> Self défense (mise en situation, gestion de conflit)
Mais ce n'est que mon avis 

Personnellement je ne supporte plus les discourt (monologue) de soit disant maitre qui promet la lune
et je peux vous affirmer qu'ils ne m'aiment pas pour ma franchise et mes questions pertinente 

[Karuna]

+1 point Papounet 

[BloodyRoots]

Très bon texte Hussard, ça me rejoint beaucoup.
Je pense qu'il touche un point crucial quand il parle d'efficacité et d'âge.  On a souvent tendance à définir l'efficacité en pensant à un homme de 25 ans au sommet de sa forme.  Or, la réalité humaine est beaucoup plus nuancée que ça.  Une femme est génétiquement moins forte qu'un homme, beaucoup de personnes ont un léger handicap (phyisque, psychologique, maladie...), et quelqu'un de 70 ans ne pourra jamais développer la même force et souplesse qu'un jeune.  Alors qu'est-ce qui est efficace? Pour qui? Quand?
De résumer ça a MMA par exemple, c'est un peu simpliste, si j'ai un genou défait, aller au sol sera terrible pour moi...

La "supériorité" intellectuelle et la complaisance de certaines écoles est aussi un des grands pièges dans les écoles d'arts martiaux.  La modestie et le sens du "terre-à-terre" sont de grandes qualités, mais je conçois que ça ne fait pas très vendeur quand notre école est à vocation commerciale.  Mais il faut savoir garder en tête que "dans la vraie vie" les agressions arrive très vites, très fortes, de façon imprévisible (ou presque).  Un drogué peut vouloir vous tuer pour 20$, il n'y a rien de rationnel...

Un exemple...

[papounet]

De résumer ça a MMA par exemple, c'est un peu simpliste,

Tout à fait 
Si on ajoute self défense avec mise en situation et gestion des conflits  c'est déjà un peu mieux. 

Mais une chose est sûre, et les experts des groupes d'intervention ou garde du corps le savent, si quelqu'un d'expérimenté prémédite de te voler ou de te tuer, il ne te reste que le petit % d'imprévu pour te sauver la mise 

Dans le cas de la vidéo, une mémé à qui il fait un étranglement sanguin tout en l’étouffent avec sa main pour pas qu'elle cri... elle avait aucune chance !
Ce n'est pas son coup d'essai, c'est clair !!!

[BloodyRoots]

Et "l'efficacité" dans son cas aurait été de ne pas entrer dans cet ascenceur en même temps que le type, de prévenir le danger en quelque sorte...

[fulleur]

Le problème c'est la tête qui gonfle quand on commence à gagner des compétitions... et que l'ont commence à parler de supériorité de façon élargie

mais rare sont les competiteur qui ne perde jamais.

il vaux mieu defois se prendre des rouste sportivement,que jamais de la vie dans un dojo

[BloodyRoots]

il vaux mieu defois se prendre des rouste sportivement,que jamais de la vie dans un dojo

Bon point 
L'expérience en combat, qu'elle soit négative ou positive, avec un cadre règlementaire ou pas (ce qui est rare à part en situation réelle), enrichissent nécessairement notre expérience comme pratiquant.
Un vieux maître reste souvent redoutable, non pas parce qu'il est plus rapide, plus fort ou plus souple, mais bien parce qu'il a une très longue expérience...

[gotti]

Un Maitre  disait :

"il faut se méfier de l'eau qui dort"

[Nostra]

+1 à Hussard et papounet!