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Le rapport à la ceinture.
Vautour:
Bonjour à tous,
Question bête :
Pour vous, pratiquants de sports assimilés au Budo, que représente la ceinture ?
De prime abord, évidemment, une méthode de hiérarchisation : or ne peut-on pas douter de la pertinence d’une telle méthode ? A quoi la hiérarchisation sert-elle ?
Dans l'armée, le grade est présent pour que chacun sache quelle est la place dans la structure, reçoive et donne les ordres selon où il se situe.
Pour autant, au Budo, le maître est maître parce qu'il enseigne et insuffle un respect inhérent à sa personne. Il est celui qui sait, qui a appris, patienté, et souhaite partager son savoir. Or si ce respect des anciens nécessite des « dan », n'est-ce pas que ce respect a perdu de son essence ? De même, pour le pratiquant, soit il n'accorde pas d'intérêt à l'obtention de la ceinture, et celle-ci semble désuète; soit il lui accorde de l'intérêt, en tire de la fierté, et par-là gonfle un ego qui ne devrait, au contraire, pas être privilégié dans le Bushido, par tout ce qu'il implique.
Ensuite, au-delà même de ce système militarisant, ou plutôt en son sein, il y a les méthodes d’évaluation pour progresser dans cette hiérarchie.
Certains critiquent l’obtention par des adolescents faiblards qui ne feraient pas le poids face à des « blancs » plus vieux ; mais plus encore, il y a le respect du code comme principe de vie qui semble totalement mis de côté.
Et ne parlons pas d'un certain type de corruption.
Pour rendre la question honnête je précise ma situation :
Il y a peut-être une rancoeur et un regret inconscients qui motivent cette réflexion, mais j'essaye le plus possible de m'en détacher et je ne crois pas qu'elles m'influencent désormais.
En effet, tout d'abord, il me manquait une année avant mon passage de marron, et je me souviens qu'elle était mon suprême objectif, la porte de bronze, la première étape. Je voyais la ceinture, le bandeau, l'étendard, et non vraiment l'acheminement. Et, finalement, heureusement que je ne l'ai pas passée, car je me rends compte comme il était illusoire de ma part de la considérer ainsi comme la récompense de mon "service".
Aussi, je me souviens très bien que dans mon dojo, les plus gradés de ma tranche d’âge étaient certes les plus puissants ; mais se moquaient régulièrement des non-gradés, dans le dojo ou ailleurs.
Ceci étant, ces questions et réflexions sont le fruit de ma seule expérience, dans le Shotokan, à prendre donc avec des pincettes. Je ne les pose pas comme des vérités générales, mais plutôt des postulats personnels sujets à contradiction.
nipaipo:
vaste sujet...
tout d'abord, on peut dire qu'il y a toujours eu une forme de hiérarchisation dans les écoles, même si elle se présentait de manière fort différente...d'abord à cause du rapport sempai/kohai, ensuite par le système des menkyo kaiden, enfin par le système des uchi-dechi/soto-dechi... c'est humain et nécessaire...
reste que l'instauration du système dan/kyu et des ceintures multiples(deux choses assez récentes) n'a sans doute pas été qu'un bien et la prise de contrôle de la chose par des instances fédérales(encore plus récente), donc la mise à l'écart rapide du prof, n'a sans doute rien arrangé...
par principe, le système fédéral, qui considère qu'un collège d'individus, dont une part non-négligeable(en général, au moins les 2/3) ne pratiquent pas ton style, sont plus indiqués que ton prof, pour juger de ton niveau, donc ta progression dans l'apprentissage de ton école...c'est déjà particulier...surtout que ça revient à briser la tradition alors qu'on vend du slogan "traditionnel" à tous va...
beaucoup de professeurs vivent avec l'idée que la ceinture est la carotte rêvée pour leurs élèves, surtout jeunes...se serait la seule chose susceptible de les faire rester dans leur cours et ils leur vendent la chose comme telle, consciemment ou non.... ça ne peut qu'amener à un certain nombre de dérives...
c'est une forme d'illusion, parce qu'il n y a pas de raison qu'un cours d'AM ne puisse s'en passer, là ou n'importe quel sport occidental, collectif ou non, y arrive très bien...
c'est aussi un constat d'échec terrible, parce que si seule l'appât de la ceinture, amène un élève à rester dans le cours, c'est que le cours en lui-même, son contenu et la manière de le transmettre, ne sont manifestement pas très intéressants...
les dérives ne tiennent pas qu'aux ceintures(d'ailleurs il y a d'autres formes de dérives), mais aussi et avant tout au rapport qu'entretient le prof à ce genre de choses, rapport qui est souvent déviant pour beaucoup d'autres choses dans le cours...tu parlais de l'attitude de certains élèves? on a les élèves qu'on mérite...
niveau 2:
Je ne crois pas que l'on a les qu'on mérite, mais plutôt des élèves qui nous ressembles. ;-)p
nipaipo:
pas toujours les élèves qui nous ressemblent, parce que le rapport enseignant/élève peut se matérialiser de bien des manières(dans les pires cas en "dominant/dominé"...)....mais il y a clairement une part de mérite...
-en terme de niveau des élèves, parce qu'un bon enseignant devrait amener ses élèves à maximiser leur potentiel(on peut pas faire des élites avec tout le monde, mais on peut amener la plupart à un niveau minimal) et les tenir à l'écart des égarements
-en terme d'assiduité, parce qu'on bon enseignant devrait amener une émulation suffisante pour que rares soient les absents
-en terme de moralité, parce qu'un cours exigent et bien cadré, devrait amener un écrémage de l'effectif...
c'est pas toujours que le prof est un mauvais pratiquant, ça peut être une pointure, mais être capable de "faire" est une chose très différente d'être capable de "transmettre un savoir-faire"...
bokken:
Finalement le système de kyu-dan est assez récent dans les arts martiaux. Il date de la réutilisation de J. Kano (fondateur du Judo) du même système pour le Judo et permettre de classer les judoka. Une notion relativement différente de ce qui existait dans les AM (le système de menkyo kaiden) puisque le kyu-dan mesure une sorte de niveau individuel (d'où la difficulté à garder quelquechose d'objectif inter-style), là où les menkyo-kaiden représentaient un niveau de capacité à enseigner/transmettre (individu vs transmission de la tradition). Ensuite on n'a fait que multiplier les déclinaisons de la carotte (ceinture de couleurs, demi-ceintures, ...) sans que la fonction d'étalon du kyu-dan gagne en clarté, bien au contraire.
Après on atteint même les dérives comme le terme Dan contrôlé ou que des disciplines non japonaises utilisent le terme Dan ou la notion de ceinture noire (venue tout droit du Judo. Pour rappel Dan est un terme purement japonais, un nom commun).
Pour revenir au message d'origine, il est très intéressant d'évaluer les notions de respect lorsqu'un kohai (plus jeune) devient plus gradé qu'un sempaï (ancien). Beaucoup d'anecdotes à ce sujet.
(Et encore je ne parle pas d'écoles où le seul maître-étalon est le résultat en compétition......)
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