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Arts Martiaux Historiques Européens
« le: octobre 03, 2010, 16:17:19 pm »
   La démarche des arts martiaux historiques européens (AMHE)

Gaëtan Marain, Alexander Pierre
Pôle d’Etude des Arts Martiaux Historiques Européens


Résumé: Les arts martiaux historiques européens sont un phénomène récent qui consiste en l’étude de traditions martiales européennes éteintes dont il subsiste néanmoins des traces (traités de combat). Cette pratique consiste en l’étude de ces sources (transcription, traduction, interprétation, pratique). Cette approche moderne qui s’appuie sur un art ancien pose question quant à sa finalité (approche autodéfense, ludique, compétitive), sa méthodologie et ses outils de mise en oeuvre (simulateurs d’armes, protections, etc.) et quant aux manières de s’entraîner et de pratiquer dans le respect des sources.

1. INTRODUCTION
Depuis les années 1990 un phénomène culturel, sportif et martial est apparu sur la scène des arts martiaux sous l’acronyme AMHE. Les arts martiaux historiques européens englobent un ensemble de traditions interrompues mais dont il reste des traces lorsque les maîtres de ces traditions ont pris soin de coucher leur art par écrit. On identifie à ce jour plus de 200 sources s’étalant du XIIIe au XXe siècle et de multiples traditions martiales que quelques milliers d’amateurs et une poignée de professionnels étudient, principalement, en Amérique du Nord et en Europe. Guidés par un intérêt historique ou à la recherche d’horizons nouveaux, d’aucuns se spécialiseront sur une arme donnée (rapière, épée longue, messer, épée de cour, sabre militaire…), d’autres sur une source précise ou une tradition (I.33, L’Art des Armes de Me Danet, Die Kunst des Fechten de Sigmund Ringeck, Principles of Fight de George Silver, la lutte selon Fabian von Auerswald).
Pour être qualifié d’AMHE, un art martial doit satisfaire aux trois critères ci-dessous, issus de la décomposition de l’acronyme :
Art martial : Ensemble de principes et de techniques utilisées au combat avec ou sans armes,
Historique : Basé sur des sources historiques directes (traités de combat) et périphériques (iconographies, chroniques, règlements, artefacts archéologiques, etc.).
Européen : Ces sources proviennent de l'espace culturel européen.
L’objet de cet article est, après un bref survol de l’une de ces traditions, de décrire les mécanismes de cette pratique martiale et de présenter les problématiques qui se posent aux pratiquants modernes des AMHE.
2. LE PARCOURS DE L’ÉTUDE D’UN TEXTE
2.1 Processus d’étude d’une source dans les AMHE
Depuis une vingtaine d’années, les AMHE ont fait l’objet d’études amatrices et professionnelles. Le processus d’étude mis en place repose sur le schéma logique suivant :
- Identification de la source, grâce aux bibliographies des historiens et collectionneurs présents ou passés, aux références dans d’autres sources historiques, aux catalogues et ouvrages numérisés des bibliothèques et musées ;


- transcription de la source ;


- traduction de la source ;


- interprétation de la source ;


- pratique.


Le développement qu’ont connu les AMHE ces 15 dernières années doit être mis en parallèle avec celui d’Internet. Cet outil a permis une plus large diffusion des sources, notamment par la mise en ligne des collections de certaines bibliothèques européennes et américaines, mais également la mutualisation des efforts de transcription et de traduction. Internet offre également une plateforme d’échange et de débat autour des différentes interprétations d’une même source.
Le processus d’étude d’une source n’est pas linéaire. En effet,  des boucles existent et lient les trois dernières étapes de traduction, d’interprétation et la pratique. L’interprétation d’une pièce technique amène à comprendre sa mécanique corporelle et peut amener à invalider un choix ou un parti pris dans la traduction d’un terme précis, voire même à mettre en lumière une erreur dans le script d’origine. Il arrive que le texte original fasse référence à un membre, disons la main gauche, alors que la mécanique générale de la pièce ne rend possible le mouvement décrit qu’avec la partie opposée, ici la main droite.
De façon similaire, des enseignements peuvent être tirés de la pratique, amenant à revoir une interprétation ou une traduction.

2.2 Les sources issues de la tradition liechtenauerienne
Johannes Liechtenauer est un maître originaire du Saint-Empire romain germanique. Il fut érigé par les continuateurs de son art au rang d’Autorité. La tradition liechtenauerienne se distingue par la multitude des sources qui la concerne. À l’origine, la transmission de l’art du maître se faisait par l’intermédiaire de vers cryptiques afin que celui-ci ne soit pas communément diffusé. Plus tard, ses continuateurs allaient expliciter ces vers. La première glose du poème provient du manuscrit MS3227a, rédigé aux alentours de 1389 [1].

Un auteur plus récent, Paulus Kal [2], liste en 1460 les héritiers de Johannes Liechtenauer, membres de ce qu’il nomme la Gesellschaft Liechtenauers, au nombre de 17. Plusieurs maîtres formuleront leur glose du XIVe au XVIe siècle : Sigmund Ringeck [3], Peter von Danzig [4], Juden Lew [5], Hans von Speyer [6]…
Une veille régulière des principales bibliothèques numériques permet d’alimenter un catalogue sans cesse croissant de sources disponible pour étude.

La traduction d’un énoncé technique est en soi une interprétation, et l’on doit formuler à ce stade un certain nombre d’hypothèses qui seront validées lors des étapes suivantes de l’étude de la source.
Une fois la traduction disponible, le matériel est prêt à être interprété par le plus large public possible dont l’association des auteurs, le Pôle d’étude des AMHE (PEAMHE), fait partie.
Cette dernière étape d’interprétation est un processus itératif de lecture, de confrontation d’idées, d’application et de retour constant vers les sources. En comparant les différents glossateurs de Johannes Liechtenauer, il est possible d’arriver à un certain niveau de satisfaction quant à l’exactitude de l’interprétation sans jamais néanmoins atteindre la certitude. Les maîtres ayant développé cet art n’étant plus, la source écrite doit demeurer le seul référent.

3. ENJEUX ET PROBLEMATIQUES DE L’ÉTUDE DES AMHE.
3.1 Le rapport aux sources.
Le premier support des AMHE sont les sources historiques. L’approche de ces sources requiert un savoir-faire particulier qu’une majorité des pratiquants ne possède pas. Si quelques pratiquants sont par ailleurs des historiens, l’écrasante majorité sont de simples amateurs.
De nombreux aspects liés à la source nous échappent donc, notamment en matière de codicologie et d’approche de la littérature médiévale. De nombreuses questions liées aux détenteurs des manuscrits, leurs auteurs, la finalité de l’écrit, le pourquoi de la glose, restent en suspens.
Le manuscrit a-t-il été écrit à plusieurs mains ? Le rédacteur et le dessinateur sont-ils une seule et même personne ? Le maître d’armes a-t-il participé directement à la rédaction de l’ouvrage ? Qui est le commanditaire de l’oeuvre et quel usage peut-il faire de ce genre d’ouvrage ?
Les réponses à ces questions peuvent ouvrir des pistes de réflexions intéressantes. En identifiant le lecteur visé par l’oeuvre, on peut comprendre s’il s’agit d’un art du combat dédié à une élite, si cet art est représentatif d’une pratique commune, ou au contraire s’il s’en différencie, etc.
N’ayant pas le savoir-faire nécessaire à l’étude du contexte de la source, nous soustrayons la source de son contexte. Notre étude porte donc sur le contenu dévoilé par l’énoncé technique sans appréhender le support de transmission du savoir en lui-même. Il y a nécessairement une perte d’information, comme en archéologie : un objet ôté de son contexte perd de nombreuses informations.
3.2 Différenciation des AMHE d’autres pratiques voisines.
Les AMHE sont une démarche moderne qui se différencie de la reconstitution historique. Les AMHE visent à redécouvrir un geste martial oublié. Pour obtenir ce résultat, une large palette d’outils modernes va être mise en place. Dans le silence des textes, l’usage de simulateurs et de méthodes d’entraînement modernes est acceptable.
Il en va différemment de la reconstitution qui vise à reproduire à l’identique des vêtements et du mobilier, puis à les remettre en contexte. Une démarche de reconstitution orientée sur le combat s’intéresserait donc au costume porté par les pratiquants, à leur statut social et essaierait de remettre cette pratique dans son contexte (ex : se plier à des conventions de salles d’armes).
Les AMHE étudient le geste et délaissent souvent l’aspect matériel et contextuel. Ainsi, les entraînements ne visent pas à reproduire un pas d’armes médiéval suivant ses règles et son protocole.
Pour autant, ces deux pratiques ne sont pas antinomiques. Il peut être intéressant pour un pratiquant d’AMHE de faire des tests de coupe avec une arme qui soit une reproduction fidèle des armes utilisées par les contemporains des auteurs étudiés. La démarche des AMHE est sans doute plus proche à cet égard de celle de l’archéologie expérimentale, toutefois, elle s’en différencie par le fait que ce n’est pas l’objet qui est au centre de son étude mais le geste décrit par la source.
3.2.1 L’usage de simulateurs modernes
La pratique des AMHE est mue par un souci de sécurité des pratiquants. Notre rapport aux risques et à la responsabilité implique nécessairement une sécurisation des objets utilisés. Les pratiquants disposent ainsi d’un grand nombre de simulateurs, allant de l’arme en bois ou en nylon, à l’épée en métal (flexible et émoussée), et jusqu’au shinaï (le simulateur employé par le kendo auquel on ajoute une garde cruciforme).
Dans une recherche de réalisme, les AMHE mettent en place un principe de triangulation. Plusieurs simulateurs sont alternativement employés avec des protections plus ou moins importantes, le but étant de ne pas subir les défauts de tel ou tel simulateur. La variété oblige à prendre en considération les diverses caractéristiques de l’arme.
Les protections employées sont elles aussi d’une très grande variété. Elles vont graduellement du simple masque d’escrime à la veste de maître d’armes d’escrime sportive, en passant par les plastrons de hockey sur glace.
Cette variété des objets utilisés est aussi la résultante d’une pratique jeune et non encore uniformisée. Chacun développe une combinaison simulateur/protection qu’il estime être le plus proche possible d’une pratique réelle. Le « système D », l’improvisation et souvent l’innovation sont les marques de cette pratique neuve en plein développement.
Cependant, l’emploi de protections ne va pas sans poser certaines questions. On peut notamment se demander si l’indifférence aux coups ne finit pas par biaiser la pratique. Tout est donc affaire de juste milieu, il faut à la fois répondre à des besoins de sécurité et de réalisme dans la pratique. Le besoin de sécurité va en s’accroissant au fur et à mesure que les AMHE s’ouvrent à de nouveaux pratiquants qui attendent un cours en règle. Les pratiquants devenus enseignants encourent de nouvelles responsabilités, et ce phénomène de vulgarisation emporte un rehaussement des protections.

3.2.2 La méthode d’entraînement
Le corpus de texte que nous étudions est peu prolixe en matière d’entraînement. Ceci est particulièrement vrai pour les sources médiévales, moins à partir des siècles postérieurs. Elles dépeignent l’état de l’art à un moment M, tel qu’il doit être pratiqué. Mais la question de l’entraînement en amont n’est pas abordée en général.
Le plus souvent, les AMHE pallient ce problème en appliquant des méthodes d’entraînement modernes. Par exemple, on peut se demander s’il existait une forme d’échauffement et à quoi il ressemblait. Dans un souci de ne pas se blesser lors de l’entraînement, l’extrême majorité des pratiquants actuels s’échauffent en s’inspirant d’autres sports (notamment de la lutte ou de l’escrime sportive).
Si l’échauffement est une question subsidiaire, il en va tout autrement de l’apprentissage du geste en lui-même. Il ressort de la pratique une multitude de formes d’entraînement. Les personnes qui s’orientent vers les AMHE ont en général un bagage martial antérieur dont ils s’inspirent largement dans leur entraînement. Toutefois, ce palliatif nécessaire pose question quant au résultat auquel il aboutit. Il y a un risque sous-jacent de modifier la pratique historique au profit d’un art martial moderne. La réponse raisonnable consiste à s’imposer de se référer continuellement aux sources pour s’assurer de ne pas les dévoyer en autre chose.
3.3 Finalité(s) des AMHE
3.3.1 Point de vue historique
Le corpus de textes que nous étudions évoque plusieurs finalités de la pratique des armes.
« Si tu comprend et appréhendes bien [les éléments exposés] dans toutes les pièces que tu exécutes, alors mérites-tu le titre de bon maître d’épée. Ainsi seras-tu capable d’enseigner aux princes et ducs afin qu’ils soient victorieux lors du jeu ou d’une affaire sérieuse, grâce au véritable art de l’épée. » (traduction ARDAMHE) [5]
Pour les glossateurs de Johannes Liechtenauer, c’est le même art qui régit la pratique ludique et les affaires sérieuses. Le plus souvent, il suffira en effet aux pratiquants désirant jouer de retenir le coup et de modifier certaines techniques pour qu’elles puissent être appliquées sans danger.
Plusieurs indices laissent penser qu’une même technique peut être adaptée selon qu’il s’agisse d’un jeu ou d’une affaire sérieuse.
Par ailleurs, les glossateurs sont très critiques à l’égard des « maîtres à danser » qui modifient l’art pour « parader ». D’après l’auteur du MS 3227a [1] ces derniers « n'inventent ainsi qu'une escrime bonne pour le spectacle et le brassage d’air » et « bien souvent, en souhaitant changer et transformer une technique, ils se contentent de lui trouver un nouveau nom, chacun selon sa fantaisie » (traduction ARDAMHE).
Pour les glossateurs de Johannes Liechtenauer, il n’est pas question de biaiser l’art pour répondre aux exigences du paraître. Cependant, il ne faut pas commettre l’erreur de penser que seuls des arts martiaux à l’efficacité éprouvée avaient leur place. Les notions d’esthétique mais aussi les pratiques de compétition aux règles établies où certains coups étaient proscrits existaient belles et bien.
Ainsi, dans le jeu de la hache, manuscrit bourguignon du XVe siècle [7], il est fait référence à un comportement de compétiteur fondé sur les règles établies. Les combattants en armure et munis d’une hache combattent dans la lice, l’adversaire qui est bouté hors la liste a perdu. L’auteur recommande donc de se méfier de ces jouteurs qui attendent dans leur pavillon que l’autre soit au milieu de la lice et sortent soudainement en courant avec la hache tenue devant eux pour pousser l’adversaire hors des barrières. Il y a bien une victoire, mais il s’agit d’une technique singulière née d’une pratique codifiée.
3.3.2 Point de vue moderne
Une pratique pour les affaires sérieuses ?
Il est évident que l’épée longue n’est plus une arme d’usage courant dans le cadre d’une défense de rue. De même, la notion de duel a disparu de notre environnement. Il est néanmoins possible de s’entraîner comme s’il s’agissait de se préparer à un combat « sérieux », afin de s’approcher de ce que décrivent les sources et de mieux restituer le geste.
Une pratique ludique ?
Cette pratique semble la plus à même d’être pratiquée dans notre société moderne. Le but en somme est de faire un échange courtois avec un partenaire. La notion de pratique pacifiée peut être mise en place selon les mêmes fondements que l’escrime sérieuse, mais en la dépouillant des aspects létaux
et incapacitants. À bien y réfléchir, il n’est pas nécessaire de marquer une frontière entre l’approche ludique et le combat « réel ». En effet, aujourd’hui dans les pratiques d’autodéfense, les pratiquants ont le souci de la sécurité de leur partenaire. Certains arts martiaux permettent même de travailler avec le partenaire dans le cadre d’un travail non conventionné. Si le même art régit le jeu et le combat « sérieux », alors dans le cadre d’un entraînement, il doit être possible de travailler sans exclure une de ces notions.

La compétition ?
L’idée de se mesurer à d’autres dans la maîtrise des armes est une constante dans l’Histoire. Certains documents retracent le déroulement de pas d’armes [8], d’autres décrivent les règles d’engagement de « jeux d’épée ». Un de ces documents précise à propos des règles d’engagement, que « celui qui aura infligé les meilleures et les plus hautes coulées de sang, celui-là doit recevoir son prix ainsi que le second, et ceux qui ont reçu des prix doivent rester, et les reçoivent de la main des conseillers. » (traduction : Olivier Dupuis) [9]
Des nécessités d’adaptation à une pratique moderne sont donc requises. La mise en place de compétitions suscite trois problèmes :
D’abord la question des protections. L’excès de protection apporte un sentiment de sécurité qui nuit au réalisme martial.
Ensuite se pose le problème des règles d’engagement. Dès lors que l’on pose des conventions, les acteurs vont tenter de les contourner ou d’optimiser leur pratique, au regard des règles d’engagement. On risque ainsi de glisser d’une pratique martiale à un sport de combat. Par exemple, si les règles d’engagement prévoient qu’une touche aux mains emporte un point tandis qu’une touche à la tête emporte trois points, les joueurs peuvent être tentés de toujours mettre la main en opposition au coup pour ne perdre qu’un point au lieu trois. Pourtant, sur un plan purement martial, une touche aux mains est incapacitante au même titre qu’une touche au corps. On perçoit ici ce risque de biaiser la pratique martiale et de glisser vers un sport qui s’éloignerait de plus en plus de la pratique d’origine décrite par les sources. Cette différence peut se constater aujourd’hui entre les pratiques d'autodéfense et les pratiques compétitives. On peut s’interroger sur la pertinence d’une
telle différenciation dans la pratique d’un style où le même art sous-tend la pratique du jeu et des affaires sérieuses.
Enfin, le troisième problème tient à la place de la compétition dans les AMHE. Celle-ci doit-elle être considérée comme une fin ou un moyen ?
Si la compétition n’est considérée que comme un moyen, elle est un champ d’expérimentation pratique, un outil de plus à la disposition des pratiquants pour valider ou invalider leurs hypothèses d’interprétation. C’est le moyen de s’exercer et de voir si le travail effectué à l’entraînement fonctionne face à un adversaire inconnu, en situation d’opposition.
Si la compétition est posée en finalité, elle deviendra lentement mais sûrement un étalon de mesure. La pratique sportive devrait donc l’emporter peu à peu sur la pratique martiale. Dans ce schéma, la démarche de recherche dans les textes ne deviendrait qu’un moyen de mettre à jour des gestuelles martiales susceptibles d’améliorer la pratique des compétiteurs. Cela finirait par créer un corps autonome de technique de plus en plus déconnecté des sources.
Or il s’agit bien d’AMHE et non d’arts martiaux « néo-médiévaux ». S’agissant d’une tradition morte, on ne peut pas faire revivre le bagage martial en le modifiant et en l’adaptant aux nouvelles configurations de combat. Les AMHE doivent se contenter de comprendre comment ces arts martiaux fonctionnaient et de les remettre en pratique en l’état.
3.4 Les AMHE se suffisent-ils à eux-mêmes ?
A priori, le style des auteurs étudiés est global, il est censé pouvoir s’appliquer à toute situation. De même, les auteurs promeuvent la maîtrise des différentes armes (fauchon, lance, combat à mains nues avec percussions et lutte etc.). Mais à défaut de disposer d’un enseignement direct, peut-on se contenter du seul apport des sources ? Les arts martiaux sont une discipline à la fois intellectuelle et physique. Il est souvent nécessaire d’intellectualiser des concepts pour mieux se les approprier, d’adopter des grilles de lecture d’action afin d’influencer sa pratique, mais l’aspect sensitif ne peut être totalement écarté. Il ne suffit pas de montrer l’objet étudié, il faut pouvoir le toucher, l’appréhender directement. Or, dans les arts martiaux, il existe de nombreuses subtilités qui requièrent de montrer les choses l’épée à la main plutôt qu’avec une plume. À cet égard, l’auteur du MS.3227 précise : « En outre, sache et retiens que tout ce que l’on peut dire, écrire ou exposer sur l’escrime n’est jamais aussi précis et significatif que ce que l’on peut montrer et indiquer avec la main. C’est pourquoi tu dois te reposer le plus possible sur ton bon sens et ton observation ; et tu dois t’y exercer par-dessus tout lors des joutes ; ainsi apprendras-tu d’avantage en prévision du combat sérieux. » (traduction ARDAMHE [1]).
Est-il nécessaire d’étudier d’autres arts martiaux pour pouvoir aborder les AMHE? L’enjeu de cette question est de déterminer si l’apprentissage d’un autre art martial en parallèle ne va pas biaiser l’approche et la pratique des AMHE. En effet, certains arts martiaux ont des caractéristiques et des grilles d’analyse qui ne se retrouvent pas nécessairement dans les sources.
On peut opposer à cet argument que si l’art martial est une montagne avec un sommet, les différents arts martiaux ne font que proposer divers chemins d’accès.
Sur le plan purement historique, ces biais des pratiques martiales modernes corrompent-ils pour autant la pratique des AMHE ? Nous pensons que les apports martiaux exogènes sont un mal nécessaire ; s’agissant d’une tradition martiale morte, il n’y a pas de maître capable d’enseigner l’art
dans son intégralité, il est donc nécessaire d’apporter des pièces extérieures au puzzle pour le reconstituer dans son ensemble.
Si l’on s’abstient de faire ces apports, on ne peut se contenter que de dresser l’état lacunaire d’un art martial oublié d’après les sources qui nous sont parvenues. Mais puisqu’il s’agit de mettre en pratique ces arts, on ne peut pas s’interdire d’aller puiser des idées ailleurs, faute de quoi les zones d’ombres non élucidées bloquent la pratique. C’est une affaire de juste milieu, de bonne proportion et de retour perpétuel vers les sources pour ne pas biaiser l’art décrit par les sources.
4. CONCLUSION
Le développement des AMHE est à mettre en parallèle avec celui des technologies de l’information qui ont offert une formidable plateforme de débat et ont permis la plus large diffusion possible des sources et la mutualisation des efforts d’analyse :


- transcription,


- traduction,


- interprétation,


- pratique.


Les AMHE se caractérisent par un échange nécessaire et constant à l’échelle internationale accompagnée d’une remise en cause régulière des acquis au fur et à mesure que la compréhension générale des sources et de leurs contextes évoluent. Il s’agit d’une discipline jeune qui cherche à établir ses méthodes et à trouver ses outils de travail, tant sur le plan théorique que martial.
Le futur consistera à consolider les acquis, les méthodes de traduction et d’interprétation, notamment avec l’apport de professionnels.
5. RÉFÉRENCES
[1] Cod.HS.3227a, Germanisches Nationalmuseum, Nürnberg
[2] CGM1507 Bayerische Staatbibliothek, Munich
[3] MS Dresd. C487, Sächsische Landesbibliothek, Dresden
[4] Cod. 44 A, Biblioteca dell'Accademia Nazionale dei Lincei e Corsiniana, Roma
[5] Cod. I.6.4°.3 / Universitätsbibliothek, Augsburg
[6] Handschrift M I 29 / Universitätsbibliothek Salzburg
[7] MS FR 1996, Bibliothèque Nationale, Paris
[8] Pas d’armes de Sandricourt (1493) Français 1436 [ff. 18-168]
[9] Document référencé 1MR13, archives de Strasbourg.


liens : association universitaire REGHT (Rechercher et Expérimentation du Geste Historique et Technique) : http://reght.xooit.fr/index.php

étude de l'épée longue comme enseignement de base :
http://reght.xooit.fr/t18-Etude-de-l-epee-longue-a-partir-du-Ms-3227a.htm

annuaire des AMHE
http://www.amheonweb.net/site/


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